La cuisine plurielle de l’Atelier des Augustins
La providence, l’évidence, l’alignement des planètes… Enfin tout y est ! Après 6 mois de travaux, l’Atelier des Augustins à Lyon a réouvert début novembre, pour offrir à ses hôtes un voyage culinaire et œnologique prégnant !
L’identité, l’écho d’une histoire…
Alsacien d’origine, lyonnais de cœur, Nicolas a d’abord fait ses armes auprès d’Emile Jung au Crocodile***. Sous son aile, il apprend l’art des sauces et du bon vin, le cœur pour moteur. Un passage dans les cuisines du George V, il s’envole à l’ambassade de Londres, avant de rejoindre l’Ethiopie et le Mali, l’Afrique pour déclic. Aujourd’hui, installé dans l’ancien fief historique des Canuts du premierarrondissement, si la culture gastronomique gone le prend aux tripes, ce sont ses expériences de vie, notamment celle de chef à l’Ambassade de Bamako, qui lui permettent de révéler la quintessence d’un monde humain intense. Choc des civilisations, rudiments de l’existence, l’exotisme d’ailleurs souvent décharné, lui ouvre la voie. Offerte par l’Homme et ses vibrations intérieures, elle connecte et prend tout son sens dans son plaisir d’être et de transmettre les émotions intimes. Contrebassiste, il y rajoute une corde sensible, des notes pincées, qui conjuguent la douceur à l’âme sauvage des produits bruts.
Artiste, rêveur, fidèle aux racines, la générosité émane de son expression culinaire, une balade poétique dans des partitions vertes, rassurantes et saines. Dans un périmètre de 200 kilomètres – depuis Lyon, l’épicentre, ancienne capitale des Gaules, historiquement réputée comme la capitale de la gastronomie riche d’un patrimoine vieux de 2000 ans – le territoire s’étend des Monts d’Auvergne et du Jura aux sommets alpins, de la Bourgogne à la vallée du Rhône, ponctué d’exceptions souvenirs comme l’Afrique ou l’Alsace natale. Ainsi, il puise chez les producteurs et éleveurs, l’essentiel d’un garde-manger raisonné. D’une part, des viandes de terroir et poissons des lacs, de l’autre, le végétal, cœur du propos cultivé dans son potager à saint-Irénée.
« Je me nourris des richesses de cette extraordinaire mosaïque des territoires qui borde Lyon. Pour signer un univers identitaire et instinctif, avec quelques clins d’œil aux cultures culinaires africaines. C’est mon histoire, ma légitimité ».
L’Atelier des Augustins, une signature engagée
Essence de la pensée, envie de consommer la gastronomie lyonnaise autrement, l’Atelier des Augustins ose dans un menu surprise à l’instinct en 6 services. Convivialité, partage et pain saucé, une signature authentique, griffée au cœur. En parfaite fusion avec son chef exécutif Thomas Belval, formé au Domaine de Clairefontaine – 1 étoile Michelin – , chez Franck Putelat puis chez Bon-Bon à Bruxelles – doublement étoilés -, ils mènent une cuisine d’auteur singulière et artistique. À l’épure, les dressages révèlent un savoir-faire précis et maîtrisé, une philosophie profonde et affranchie des qu’en dira – t’on, des produits dits nobles superflus, de toute forme d’esthétisme sans fond. Dans des jeux de couleurs nature, de textures charnelles, de cuissons précises, si l’assiette s’amuse entre élégance et simplicité, elle est surtout marqueur d’une réflexion épaisse et minutieuse, une intensité gustative saisissante. Les sauces pour colonne vertébrale, le végétal pour ingrédient phare, la partition invite à l’évasion dans une dégustation plaisir au goût puissant, le réconfort d’une épice, d’une fleur ou herbe aromatique, une plénitude servie au cordeau. Canette de Bresse en deux cuissons, salade de chou rouge frais et fermenté, jus à la myrte, civet de sandre d’Isère, déclinaison de lentilles, la valse se poursuit ainsi jusqu’au dessert, où millefeuille glacé, orge malté torréfié et cazettes…pomme, fenouil, aneth et gin tonic, coque meringuée, charment une nouvelle fois les âmes. Au piano, depuis ses expériences chez Paul Bocuse** ou Georges Blanc***, le chef pâtissier Ashene Kechacha, boucle ainsi l’escapade des sens, avec gourmandise et légèreté planante, à la sucrosité ajustée.
En quelques mois l’Atelier des Augustins est passé de 60 à 110 m2, de 24 à 36 couverts, un lieu dans un esprit vertical, entre terre et ciel, une sobriété qui souligne l’époque, la croisée du temps et de l’art, la nature du monde à son paroxysme. Des matières brutes, des techniques neuves au service de la vie dansante, la lumière et sa grandeur, son besoin vital d’espace. Pour ce faire, Nicolas a fait appel à son ami architecte d’intérieur Paul Ehret, perché et visionnaire, friand de technologies de pointe, n’ayant pas hésité une seconde à relever le défi fou du Chef. Conserver les stigmates vibrants de l’ancien en fusionnant une vision futuriste et chaleureuse, à l’épure. Pour pièce maîtresse, une assise courbée suggérant le glamour des bouches à la Dali, délimitant des niches intimistes et confidentielles au creux du bois réchauffé. Dans un clair obscur délicatement suggéré, les créations culinaires sont révélées sous un puits de lumière doux et pertinent, mettant en exergue l’identité culinaire dessinée. Claustra façon drapée, incurvée et dans un même mouvement, les bancs épousant l’ergonomie des corps dans un grand confort, une sorte de lévitation dans la rondeur depuis le sol jusqu’aux cimes des persiennes anciennes.