La grande Dame de Pic
Prenez un lieu mythique, donnez les clefs du restaurant à une drôle de dame, femme la plus étoilée au monde. Puis savourez et régalez vos sens par une explosion de saveurs. Effet waouh garanti !
Elle est solaire, Anne-Sophie Pic, indéniablement. Sur papier glacé, elle apparait effacée et douce. En vérité, cette drôle de dame, réservée en public, c’est de la dynamite, au bon sens du terme. Il faut dire qu’il fallait un sacré tempérament pour reprendre les cuisines familiales depuis 4 générations et les 70 salariés à manager, après le décès subit de son papa. Les cuisines et leur univers impitoyable, c’est presque la série Dallas, un côté machiste avéré. Tous les coups sont permis, surtout envers une femme et d’autant plus « la fille du patron » qu’ils ont connu en couche culotte. Alors de là à lui obéir…. Mais Ninette (surnom d’Anne-Sophie Pic) s’est imposée. Il faut dire que dans la famille Pic on a du tempérament. Son père est le seul chef qui a refusé l’étoile demandant au Michelin de repasser l’année d’après (oui vous avez bien lu)…car il voulait refaire sa cuisine… une cuisine ouverte, avec du champagne servi au verre, révolutionnaire à l’époque. Et après on se demande d’où vient la créativité incessante d’Anne-Sophie Pic. Les chiens ne font pas des chats.
La Dame de Pic… Girl power !
Il n’y a pas d’éclat de voix dans la cuisine de la Dame de Pic. Zenitude et rigueur oblige. « Je déteste les menaces en cuisine ». Il y règne donc une ambiance calme et énergique car Anne-Sophie Pic veille au grain. « Je façonne mes chefs pour leur donner une éducation particulière de respect ». Anne-Sophie Pic veut que l’on reconnaisse la valeur de la mixité. « Un élément féminin est une force, une richesse. Les femmes sont persévérantes et très fortes moralement ». En cuisine à Valence, « le cœur du réacteur », elle a choisi une femme pour diriger les cuisines. « C’est reposant, bienveillant et rassurant ». Oui, Anne-Sophie Pic n’a pas oublié qu’elle est une femme, une mère et une épouse. Car côté cour, L’ombre bienveillante de David Sinapian, son double en privé, est toujours proche, rassurante. Elle, mène ses équipes et ses créations culinaires, lui ; gère le groupe, anticipe l’avenir. Elle est dans la lumière, il reste dans l’ombre. Le yin et le yang, en quelque sorte, mais en beaucoup plus fun.
La gastronomie, une discipline de haut niveau à la Dame de Pic
Avoir de la créativité et du savoir-faire, c’est bien. Encore faut-il ajouter les longues heures passées aux fourneaux. Deux services quotidiens, quinze heures de boulot dans les pattes, notre drôle de dame a une condition physique de Super woman. C’est pour cela aussi que Megève lui convient parfaitement. « Je viens à Megève depuis 20 ans, plusieurs fois par an, pour me ressourcer. L’hiver je fais des raquettes, l’été des randonnées et cueillettes sauvages. Si j’étais un produit, actuellement je serais un bourgeon d’épicéa, une de mes principales découvertes, ça me passionne ». La passion, c’est son mantra, et elle est passionnée par beaucoup de choses dont le produit. Elle traque, source, comme elle le dit, inlassablement de bonnes adresses de la région.
Combien de saveurs dans une assiette : un nombre illimité, à condition que ce soit lisible. Presque tous les produits sont de la région. « Si on ne s’intéresse pas au local, c’est une injure ». Si tous les codes de sa cuisine sont restés, ils ont leur personnalité car conjugués avec l’âme de la région. Un de ses plats signature, le berlingot, devient savoyard avec beaufort, abondance, absinthe et champignons. Seule infidélité à la région le brie de Meaux fermier de la ferme des 30 Arpents, servi avec de la vanille de Madagascar. Un Hommage à la famille Rothschild, propriétaire du Four Seasons ou s’est installé, la Dame de Pic Megève. La truite fario vient de l’Isère, elle décoiffe avec son assaisonnement de bourgeons de sapin et œufs de brochets fumés. « L’émotion c’est le seul sujet. Je ne tourne qu’à ça ».
Mais, la grande claque du dîner, c’est la découverte de la mixologie. Ce mot compliqué très tendance parle des cocktails. Avec la sommelière du groupe, Paz Levinson, Anne-Sophie Pic a travaillé tous les liquides, des cafés au thé en passant par…. les cocktails même ceux sans alcool. Grande nouveauté : un accord mets boisson sans alcool est proposé. Pour beaucoup un déjeuner sans vin s’apparente à un jour sans fin. (pardon.. sans vin). Les cocktails sont en général sirupeux. Ils vous coupent l’appétit, vous gâche le palais. La, miracle, il n’en est rien. La truite fario se marie à merveille avec une infusion au sapin, à la camomille et jus de pamplemousse. Le bœuf est relevé par un cocktail de thé noir, poivre noir, menthe et myrtille. On est ravi et pas « pompette », mais surtout, on ne pense qu’à une chose : y retourner.