Hôtel des Bains, carte blanche à Pascal Périno
Il est des rencontres qui marquent ; celle avec Pascal Perino, propriétaire de l’Hôtel des Bains de Charavines en est une !
Passionné, créatif, humaniste, trublion, autodidacte, libre, spirituel voire psychologue… Ce baroudeur aux multiples vies installé à l’Hôtel des Bains de Charavines défend une vision de la gastronomie et du vin plutôt singulière. Pour faire plus ample connaissance avec le personnage, Exquis a décidé de lui donner carte blanche pour qu’il partage sa passion du vin avec ses propres mots…
« Le magazine Exquis me fait l’insigne honneur de me demander mon avis sur les accords mets/vins. Je ne vais pas rivaliser avec mes très savants collègues, amis journalistes spécialisés, ou éminents sommeliers (Hervé Pasquet , Jean-Charles Pouzeratte…) avec qui j’ai énormément appris et beaucoup partagé… Voici donc, avec mes simples mots d’autodidacte, la modeste contribution d’un passionné… J’en profite pour adresser toute mon affection et mes salutations « oenologiques » à tous mes fidèles clients passionnés de vins, curieux, aimant la vie, qui se reconnaitront… j’en suis sûr !
L’hôtel des Bains ou une vision divine du vin
Cela va vous surprendre, mais avant d’ accorder un vin avec un plat, je l’accorde avec l’être humain qui va le boire. Avant de penser à la texture, à l’acidité, à la complexité, à la truffe, au gras du plat, aux redondances du sucre, je pense à l’homme, à la femme qui est venu(e) me voir, aux rapports qu’ils entretiennent eux, avec le vin, la nourriture, à la façon dont ils aiment partager avec ceux qui les accompagnent, leur famille, leurs amis, leurs amours.
Avant tout, je pense à l’imaginaire, à la connaissance, aussi ténue soit elle, qu’ils ont du vin. Je vais la lire, la respecter, vite , en quelques secondes… à sa façon de prendre la carte des vins, à son physique, ses yeux, son visage, la façon dont les autres le regardent prendre en main ce moment important : le choix du vin. Et seulement après, je le prendrai par la main et je l’emmènerai, de là où il est, à partir de ce qu’il aime, vers d’autres possibles. Je lui offrirai non pas une leçon, mais un complément… On n’imagine pas à quel point c’est rare et précieux, et unique à notre culture, ce respect, cette attention du vin, des gens, quelque soit le niveau social, ici, on rêve le vin…
C’est seulement après que rentre en scène l’autre partie de notre métier, la connaissance de notre cave, des vignobles, des cuvées, des millésimes, des vignerons… C’est seulement après que l’on pensera à cette grammaire des accords, qui vaut ce qu’elle vaut, qui est celle de l’époque, pas moins valable que celle de ceux qui nous ont précédé, pas plus que celle à venir… La caricature c’est l’accord sur le fromage. Pendant des décennies, on ne pouvait imaginer le fromage qu’en compagnie d’un bon coup de rouge solide. Maintenant, on frise l’hérésie, le bûcher si on y pense… toute la sommellerie planétaire vous regarde comme un pauvret, tout le monde sait bien (soupir) que l’ on accorde un petit chèvre sur un sancerre blanc, un bleu gras sur un porto, un banyuls, un vieux comté sur un Jura…soit… Ils n’ont pas tort. C’est vrai qu’un camembert bien ammoniaqué et un pommard bien raide, ça ferraille dans la bouche… soit… Le problème, c’ est que ce qui se passe dans la bouche, se prépare avant tout dans la tête… Le problème, c’est que le goût, le vin, c’est presque un rapport à son enfance et que si ton gars a envie, à ce moment là, de s’ enfoncer moelleusement dans son plaisir de gosse où il partageait un coup de rouge avec son père sur un bout de Saint Marcellin, et bien tu fermes ta gueule, tu le bordes dans son plaisir, tu lui fermes les yeux et tu respectes ! Plus que des diktats de goûts, moi, ce que j’aime partager, c’est l’humain de mes vignerons, leur vision, leur unicité. C’est pour ça que j’aime ces mecs, ces filles uniques, ceux qui sont des planètes à eux tout seuls, Emmanuel Reynaud de Rayas, Marcel Richaud à Cairanne, Magnin, Berlioz en Savoie, Zind, Ostertag en Alsace, Catherine Breton en Loire, Lamy, Francois Chaveriat et plein d’autres… qu’ils me pardonnent… J’aime à affirmer que c’est le plus beau des métiers, et un des plus risqués du monde. Chaque année, tant qu’ils n’ont pas rentré le raisin, les vignerons peuvent tout perdre… C’est la jonction merveilleuse, d’un travail de paysan, d’un lecteur de la nature, d’un rêveur de produits, d’entrepreneur… moi, ça me scotche ! Après évidemment, à table, il faut décrire, le vin a besoin de verbe, mais bon les gens attendent ça… gentiment… Or je ne suis pas trop pour qu’on les assomme avec le verbiage officiel de la sommellerie , d’autant que bien des termes se discutent.. on s’étripe entre gens du métier sur l’existence de la “minéralité”, c’est joli à dire , mais ça les laisse interloqués les clients quand tu dis ça. ”La longueur en bouche”, c’est un peu chinois non ? alors je fais ma petite tambouille, au lieu de parler de tanins fins, je leur dit soyeux, au lieu de leur parler du gras d’un meursault, je parle d’un vin oreiller, d’une Mercedes… au lieu de parler de notes tertiaires, ça sent la belle vieille chose… j’invente… je mélange… je poétise gentiment, mais au fond ils sont là pour ça les gens…un peu de poésie. »
Hôtel des Bains
345 Rue Principale
38850 Charavines
Tél. : 04 76 06 60 20
hoteldesbains
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