Escale à l’Hôtel Ombremont chez Jean-Pierre Jacob
Prendre le temps à l’hôtel Ombremont en compagnie du chef Jean-Pierre Jacob
Le temps d’une escale à l’hôtel Ombremont, nous avons rencontré Jean-Pierre Jacob, un chef 2 étoiles Michelin qui manie simplicité et humilité à la perfection
Le parcours en cuisine de Jean-Pierre Jacob, c’est d’abord une histoire de famille. Ses parents, tous deux excellents cuisiniers, Jean-Baptiste et Simone, ouvrent en 1956, l’Auberge savoyarde dans le village natal, le Bourget-du-Lac. Jean-Pierre et ses deux soeurs, grandissent au milieu des casseroles, dans lesquelles mijote une cuisine traditionnelle et raffinée. Les copains chasseurs approvisionnent le restaurant en gibiers pour réaliser les civets de marcassin et de chevreuil tandis que les pêcheurs du lac livrent les lavarets, les brochets, l’omble chevalier et les écrevisses.
En 1962, les parents ouvrent l’hôtel-restaurant la Pomme de Pin à Courchevel. La station est en plein essor, la renommée de la maison fait boule de neige. En 1968, le père de Jean-Pierre découvre une vieille grange dans le hameau de la Croix Verte, au Bourget-du-Lac, elle deviendra Le Bateau Ivre en hommage au célèbre poème de Rimbaud. Le restaurant de Courchevel deviendra le Bateau Ivre des cîmes…à 1850 m d’altitude.
Dans les années 70, après un court passage par l’école hôtelière, Jean-Pierre part en apprentissage dans de grandes maisons. De Biarritz à Paris en passant par la Suisse il peaufine sa technique, le métier rentre. 1984, l’année phare, la première étoile est attribuée à l’établissement du lac. Puis, C’est au tour du Bateau Ivre de Courchevel d’être étoilé en 1986. A cette époque et durant 30 ans, la famille vit au rythme des migrations saisonnières : l’hiver à Courchevel, l’été au Bourget du lac.
En 1990, le père de Jean-Pierre se retire. Cinq ans plus tard, le chef achète l’hôtel Ombremont, perché sur la berge ouest du lac du Bourget, sur la rive la plus tranquille et la plus sauvage. C’est une très grosse maison des années 30, entourée de 3 hectares de parc. L’endroit respire le calme et la sérénité, la vue sans cesse retouchée par le pinceau du vent est somptueuse. Après travaux et transformations du bâtiment, le Bateau Ivre déménage à Ombremont. L’hôtel compte 17 chambres et le restaurant 40 couverts.
En 2000, le Bateau Ivre du lac reçoit sa deuxième étoile. Pendant encore 12 ans, les deux Bateaux vogueront de concert. Mais, les difficultés à maintenir et former les brigades, la pression sans cesse plus grande exercée par la concurrence conduisent le chef à faire un choix. Il décide durant l’hiver 2012, de se recentrer sur Ombremont, et de revenir à ses racines. L’histoire continue à la Pomme de Pin avec sa soeur Annie, mais le Bateau Ivre est aujourd’hui solidement amarré à l’Hôtel Ombremont.
La rencontre avec Jean-Pierre Jacob
Rencontrer Jean-Pierre Jacob, c’est entamer avec lui une promenade dans sa vie, dont on ne sait pas à quelle heure elle va prendre fin…Le chef est heureux de partager son histoire et répond à nos questions avec spontanéité et simplicité. Jean-Pierre Jacob est un homme discret et simple. Il souhaite que ses clients se sentent bien à Ombremont, qu’ils profitent de ce lieu magique au point de regretter d’en partir.
Quelle est la philosophie de votre cuisine ?
« Travailler le mieux possible les produits locaux, faire honneur à ceux qui me les fournissent, sans qui je ne serai rien, et aux clients qui les dégustent en restant au plus près des saveurs, avec le moins possible d’artifice ».
Parlez-moi des vos produits locaux…quels sont les produits emblématiques du Bateau Ivre ?
« Ici, nous travaillons à 80% tout confondu, les produits locaux. C’est un choix pour avoir des produits d’une grande fraîcheur livrés rapidement grâce au circuit court. En premier plan, bien sûr, les poissons du lac, le lavaret, l’omble chevalier, le brochet. Ils sont présents dans presque tous les menus sous une forme ou une autre. Les poissons de lac ont une saveur particulière…un goût et un parfum…de lac. Pour les magnifier, il faut qu’ils soient très frais. Nos travaillons avec deux pêcheurs dont Olivier Parpillon, qui nous livrent quotidiennement. On ne stocke pas. La chair du lavaret est très fine, elle se prête parfaitement au fumage et prend la saveur des ingrédients qui l’entourent, comme le lait de coco par exemple».
Exotique, le lait de coco …
« Oui, j’ai beaucoup voyagé de l’Asie à l’Amérique du sud en passant par le Canada, j’en ai rapporté le goût des épices comme le poivre du Népal ou du Sichuan. Les voyages forment et aiguisent la curiosité. Ils permettent de découvrir de nouvelles saveurs et de tenter de surprenants mariages. Sinon, la plus grosse part des fruits et légumes frais viennent de la coopérative du Tremblay, située à deux pas d’ici . Les fruits secs et les oléagineux sont bio ».
Comment vous est venue l’envie de faire de la cuisine votre métier ?
« Tout simplement en cuisinant aux côtés de mon père, on faisait de grillades ensemble, un homme calme et bon, qui ne criait jamais. Il m’a transmis son savoir, sans me brider, me critiquer ou m’imposer quoique ce soit. J’ai eu de la chance, c’était simple. La transmission entre père et fils en cuisine ne l’est pas toujours ».
Est-ce que cette expérience a coloré votre manière d’être Chef en cuisine ?
« Oui, sans doute, je suis attaché à mon équipe. L’ambiance en cuisine reste bonne malgré la pression. J’ai près de moi un second depuis 2013, Martin Simonart, un brillant jeune belge, nous avons collaboré à Courchevel par le passé. J’ai aussi auprès de moi depuis 12 ans, un chef pâtissier de grande qualité, Thierry Game, un chambérien, qui est capable de sortir des desserts complexes avec une régularité de métronome, des mois durant…étonnant.
Le recentrage sur Ombremont signe un virage dans votre carrière…que trouvez-vous aujourd’hui que vous n’aviez pas avant ?
« Oui, c’est une autre vie. Nous sommes ouverts toute l’année. La clientèle de Courchevel est bien différente de celle d’ici. Nous développons une clientèle locale qu’il faut fidéliser ou reconquérir, car les 2 étoiles ça effraie les clients, ils ont peur que ça ne soit pas pour eux… et puis, les clients sont fidèles…du temps de mon père, ils ne disaient pas : « on va dîner au Bateau Ivre. ils disaient on va manger chez Jacob ! ».
Notre menu en semaine à 36 € le midi, nous aide bien à démocratiser notre accès. Les cours de cuisine en basse saison, l’été c’est impossible nous avons trop de travail, nous permettent de toucher, via les chèques cadeaux, une clientèle qui n’aurait peut-être pas poussé la porte. Du coup, les personnes reviennent en famille pour un évènement à fêter.
La dynamique de la brigade est différente aujourd’hui, nous sommes plus soudés. La création, c’est un partage, chacun y contribue. La stabilité permet aux jeunes de s’installer, de construire une famille…ce qui est très difficile avec un travail saisonnier. Une brigade soudée, qui ne change pas tous les 6 mois, c’est une autre énergie».
Quel est l’ingrédient ou le condiment que vous avez découvert récemment, ou qui vous a surpris ?
« L’hygrophore ! c’est un champignon que m’a proposé mon champignonnier en février. La saison est courte mais ce produit est une belle découverte, très intéressant à cuisiner».
Êtes-vous sensible à l’aspect nutritionnel de votre cuisine ?
« Oui, nous devons avoir cette réflexion. Les jeunes sont attentifs à leur poids, les plus âgés à leur santé…sachant que le sucre, le sel et le gras sont des exhausteurs de goût, nous sommes tenus d’expérimenter et d’affiner nos plats pour qu’ils soient goûteux et savoureux sans être ni trop gras, ni trop sucrés, ni trop salés…j’ai eu en cours de cuisine un médecin nutritionniste avec lequel j’ai bien échangé. La racine de curcuma est une épice précieuse, bourrée d’anti-oxydants…mais elle doit être associée à de la matière grasse pour être assimilée ».
Une dernière question si vous le voulez bien. Que faîtes vous, si ce n’est pas trop indiscret, pendant la courte fermeture de l’établissement en janvier ?
« Vous ne devineriez jamais…si vous venez ici pendant la fermeture, vous me verriez avec une cotte et un pinceau à la main, je participe aux travaux, je peins ! Je vais aussi voir mes fournisseurs et je vais skier quelques heures. À Noël, je me suis acheté de belles chaussures et de beaux skis…je n’y suis allé que 2 fois ! »
L’heure est venue de quitter la maison à regret (contrat rempli Chef !), en toute fin de matinée, après avoir laissé le petit déjeuner s’étirer doucement, sous la véranda inondée de soleil, les yeux perdus sur les reflets irisés du lac et les papilles grisées par les délices salés, comme le lavaret fumé…et les douceurs maison, mini brioche de St-Genix-sur-Guiers aux pralines roses…dont on nous offrira un modèle XL à emporter au moment du départ.
Informations et réservations
Hôtel Ombremont **** – Relais & Châteaux
Restaurant Le Bateau Ivre **
RD 1504
73370 Le Bourget-du-Lac
+33 (0)4 79 25 00 23
hotel-ombremont.fr
La coopérative du Tremblay, est située à Le Tremblay, 73290 La Motte Servolex – Tél. 04.79.25.00.62 Elle regroupe une douzaine de petits producteurs locaux de fruits, légumes, noix. L’agriculture est conduite de façon raisonnée et certains producteurs produisent en BIO ou sont en cours de conversion.
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