Vienne, capitale épicurienne entre Rhône et Pilat
À seulement 30 kilomètres de Lyon, Vienne en Isère s’impose comme une escale singulière au cœur de la vallée du Rhône. Cité antique aux vestiges majestueux, théâtre naturel adossé aux collines du Pilat, elle conjugue histoire et art de vivre avec une élégance rare. Ici, le patrimoine millénaire dialogue avec une scène gastronomique foisonnante : marché parmi les plus grands de France, tables étoilées qui perpétuent l’héritage de Fernand Point, vignobles prestigieux de Côte-Rôtie et de Condrieu, sans oublier le vignoble renaissant de Vitis Vienna.
Vienne, c’est aussi une destination à taille humaine où l’on prend le temps de rencontrer les producteurs, d’échanger avec les vignerons et de savourer la convivialité d’un territoire qui place l’épicurisme au cœur de son identité. Entre Rhône et collines, entre tradition et modernité, elle invite à ralentir pour mieux goûter la vie.
Marché, circuits courts et rencontres inoubliables
Il est 7 heures du matin quand nous arrivons sur le marché de Vienne. Ce samedi-là, nous avons le bonheur de le parcourir en compagnie de Patrick Henriroux, chef doublement étoilé de La Pyramide. Entre deux étals, le chef salue les producteurs avec une chaleur sincère, sélectionnant des légumes de saison et herbes fraîches ici, un fromage de chèvre là, toujours à l’affût de la saveur juste. Dans ce marché — 2ème plus grand marché de France, avec ses 350 étals et ses six kilomètres d’animation —, chaque allée est une invitation à goûter et à discuter.
Dans notre progression, nous croisons un autre visage familier de la gastronomie viennoise : Philippe Girardon, Meilleur Ouvrier de France et chef étoilé du Domaine de Clairefontaine. Une bise, une poignée de main, il évoque la saison des légumes, la chance d’évoluer sur un territoire aussi prolifique, confirmant à quel point ce marché est le garde-manger naturel des grandes tables du territoire.
Un peu plus loin, face au temple d’Auguste et de Livie, nous faisons une pause café avec Sébastien Desestret, chef du restaurant Les Saveurs du Marché à Vienne. Une halte conviviale qui dit beaucoup du lieu : ici, les chefs ne se cachent pas en cuisine, ils vivent le marché au même rythme que leurs habitants et leurs clients.
Et puis il y a cette rencontre, presque intemporelle, avec Monsieur Panel, 86 ans, chocolatier toujours alerte, créateur du fameux Galet du Rhône®. Les yeux pétillants, il nous raconte comment il a créé ce bonbon de chocolat praliné qui rappelle les galets polis par le fleuve. Un symbole, à la fois gourmand et patrimonial, de l’attachement de Vienne à ses racines.
Au fil des ruelles, entre les producteurs, maraîchers, bouchers-charcutiers, poissonniers, fromagers, fleuristes, on comprend vite que ce marché est plus qu’un lieu d’achat : c’est une scène vivante où la gastronomie locale se joue chaque semaine, portée par des artisans, des chefs et des personnages hauts en saveurs.
Parmi les merveilles à rapporter — et surtout à goûter sur place — la Rigotte de Condrieu, petit chèvre au lait cru aux notes de noisette, occupe une place d’honneur ; la cerise Burlat, juteuse et historique ; l’abricot ampuisais, fondant et parfait pour la confiture ; la pomme du Pilat, fruit d’un terroir d’altitude ; le tout petit poivron ampuisais, qui se déguste cru, farci de Rigotte ; et la poire Triomphe de Vienne, qui renaît après des décennies d’oubli. Ces produits racontent une géographie (terrasses du Pilat, pentes du Rhône) et un savoir-faire recueilli et transmis.
Sur les étals ou à la ferme, on sent la volonté d’une production en circuits courts — confitures aux fruits choisis cueillis à maturité, yaourts parfumés par infusion, bœuf maturé en cave — autant de signatures locales que l’on peut rencontrer en discutant avec leurs artisans.
Vins suspendus : Côte-Rôtie, Condrieu et Vitis Vienna
Les coteaux de la vallée du Rhône ici ne sont pas seulement beaux : ils sont vertigineux. Côte-Rôtie, plantée essentiellement en syrah (parfois agrémentée d’un peu de viognier), pousse sur des pentes où l’effort humain — murs en pierre sèche, vendanges à la main — se lit à chaque muret ; le vin qui en sort peut vieillir et se révéler d’une élégance époustouflante. Condrieu, lui, est l’empire du viognier doré : robe pâle, parfum floral, mangue et abricot, une rareté aromatique. Enfin, Vitis Vienna, vignoble renaissant qui s’étend entre Vienne, Seyssuel et Chasse-sur-Rhône, rappelle l’origine antique du paysage vinicole local et travaille aujourd’hui en petits rendements, prêtant à ses cuvées une identité singulière.
Notre coup de cœur ; les vins du vignoble Deleu à Condrieu, dont la cuvée Rocca en 100% Syrah, que nous avons eu le plaisir de découvrir à la maison du jazz de Vienne en compagnie d’une partie de l’équipe du d’estivale Jazz à Vienne. Un vin qui, derrière son profil discret, séduit par un nez expressif de fruits noirs, violette et poivre, et une bouche droite, sans artifices, où dominent le fruit croquant, des tanins souples et une belle finale épicée. Pas de bois, pas d’effets, juste l’essentiel du cépage travaillé avec précision et élégance. Un vrai vin de partage, pensé pour accompagner aussi bien un apéro généreux qu’une grillade ou un plat simple mais savoureux.
Côté expériences, la région a tout prévu pour les curieux : caves ouvertes, dégustations commentées, balades guidées (City Tram pour monter sans effort, circuits à vélo électrique avec rencontres chez les vignerons, sorties en van ou même balades à moto pour les plus romantiques du guidon). Ces formules offrent une proximité rare avec les vignerons et leurs histoires.
Ne ratez pas le belvédère de Tupin-et-Semons pour un point de vue spectaculaire au dessus des vignes. Ce site offre un panorama vertigineux sur les coteaux viticoles et la vallée, s’étendant à perte de vue. Situé à deux pas de l’église de la Nativité-de-Notre-Dame, ce nouveau spot permet de contempler l’évolution des paysages au fil des saisons, entre les couleurs flamboyantes de l’automne et le réveil lumineux du printemps.Pensé à la fois comme un lieu esthétique et pédagogique, le belvédère se distingue par sa structure métallique, qui projette au sol des mots issus du vocabulaire viticole. Une façon originale d’inviter les visiteurs à plonger dans l’univers de la vigne et à mieux comprendre un savoir-faire séculaire. Accessible par le Sentier des Grand(e)s Cru(e)s, une boucle de trois kilomètres entre Rhône et vignobles, ce site s’intègre dans un projet plus vaste : la « route des belvédères » portée par Vienne Condrieu Agglomération, pour mettre en valeur les paysages et le patrimoine viticole de tout le territoire.
Les tables où l’on s’attable (et dont on se souvient)
Vienne est une terre de grande cuisine. La maison historique La Pyramide, bercée par l’héritage de Fernand Point, reste une halte gastronomique unique et incontournable – l’adresse d’un patrimoine culinaire transmis de génération en génération. Mais la ville et ses alentours regorgent aussi de bistrots et de tables plus intimes où le produit local est roi : le Domaine de Clairefontaine à Chonas-l’Amballan (Philippe Girardon, Meilleur Ouvrier de France, 1 étoile Michelin), Les Nymphéas (cuisine bistronomique dans un écrin végétal), Le Bistrot de Serine (bar à vin devenu table collective de vignerons), Les Épicurieux ou Les Saveurs du Marché, autant de lieux pour apprendre à marier vins et terroir. Mention spéciale au restaurant bistronomique Muse où nous avons partagé un joli déjeuner à l’ardoise, avec un velouté de champignons à la crème croûton à l’ail et paillettes de jambon cru ; un dos de cabillaud, pulpe de coco aux aromates crème de fenouil au pastis et à l’aneth ; et pour finir en beauté une mousse au chocolat blanc, coulis de figues, meringues et poudre de pistaches … Un régal, sourire compris !
Dormir au cœur des vignobles
Passer la nuit dans le vignoble, c’est prolonger l’expérience jusqu’au réveil. À Condrieu, la maison d’hôtes MT.1937 respire l’histoire et la convivialité. Ancienne demeure de tonneliers, elle a été restaurée avec soin par Audrey et Philippe. Dès le seuil franchi, on est enveloppé par une atmosphère chaleureuse : trois chambres lumineuses dont une suite, un jardin où le temps s’étire et, au petit matin, un petit-déjeuner généreux qui rend hommage aux produits locaux. En sortant, la ViaRhôna est à deux pas, mais c’est surtout l’appel des coteaux qui guide la balade. Monter dans les vignes, croiser les vignerons et redescendre avec une bouteille de Condrieu ou de Côte-Rôtie sous le bras, voilà l’essence même du séjour.
À quelques pas, l’Hôtel Beau Rivage semble posé entre le Rhône et les coteaux. Le matin, on ouvre les volets sur la lumière douce du fleuve, le soir on s’endort avec le silence des vignes. L’équipe accompagne volontiers les curieux dans la découverte des cépages : notes, cartes, visites et dégustations viennent enrichir le séjour. On repart non seulement reposé, mais aussi un peu plus savant sur ce terroir qui fascine les amateurs du monde entier.
Plus au nord, à Chasse-sur-Rhône, le Domaine de Gorneton déroule une autre facette de l’hospitalité. Derrière les murs d’une maison forte du XVIIᵉ siècle se cachent cinq chambres d’hôtes spacieuses où l’on se sent immédiatement attendu. Dans le jardin ou au bar à vins, le plaisir est le même : partager une planche de produits locaux, un verre de Côte-Rôtie ou un viognier soyeux, et refaire le monde avec les hôtes. Le vignoble est tout proche, et l’on se surprend à oublier l’heure tant la parenthèse est douce. Ici, nous avons eu le plaisir de découvrir la cuisine, 100% fait-maison, du chef Loïc Plestin avec un croustillant de tête de veau, fondue de poireaux, sauce ravigote en entrée suivi d’un espadon cuit à la plancha, risotto crémeux lié au parmesan et bouillon dashi et pour finir la figue en déclinaison avec son chèvre frais, ses noix caramélisées, son sorbet et son huile verte à la feuille de figuier… Remarquée cette année par les inspecteurs du Guide Michelin, cette table est à surveiller de près !
Dormir ici, c’est accepter de ralentir, de se laisser envelopper par la sérénité des vignes, et de vivre la gastronomie viennoise jusque dans ses nuits.
Il se passe toujours quelque chose à Vienne
La saison épicurienne est rythmée par des événements vivants : ViaGusta, itinérance bistronomique le long de la ViaRhôna ; Vin et Rigotte en fête à Condrieu ; les Rendez Wine qui mêlent jazz, rando et brunch chez des vignerons ; Vinalia, festival de gastronomie romaine au musée de Saint-Romain-en-Gal ; Vignobles en scène, un rendez-vous au cœur des vignobles de la vallée du Rhône Nord mêlant banquets insolites et expériences uniques ; les Pressailles, un temps fort poru fêter la fin des vendanges, sans oublier le Fascinant Week-End et le Trail en Côte-Rôtie, où sportifs et gourmets partagent les vendanges tardives et les panoramas flamboyants. Ces rendez-vous ne sont pas des shows déconnectés : ils sont le prétexte à rencontrer celles et ceux qui façonnent ce terroir.
Un dernier verre avant de partir
Partir de Vienne, c’est souvent promettre d’y revenir avec une caisse de vin, un pot de confiture rare, et la mémoire d’un goût. Que vous soyez néophyte curieux ou palais aguerri, Vienne Condrieu se goûte en marchant, en écoutant les vignerons, en partageant une table et en dormant là où le silence laisse parler les collines. Les produits, les vignes et les hommes racontent la même histoire : celle d’un terroir qui se tient debout, parfois à la verticale, mais qui offre toujours la douceur d’un accueil.
Prenez la route, goûtez Vienne
Vienne n’est pas une destination qui se contemple de loin : elle se vit. Entre le marché qui bruisse le samedi, les coteaux qui demandent l’effort — et la récompense d’un verre —, et les tables où le produit local est célébré sans ostentation, il y a ici une promesse simple : ralentir pour mieux savourer. Rangez la carte routière un instant, laissez-vous guider par l’odeur d’une confiture chaude ou par la conversation d’un vigneron, et revenez chargé d’histoires et de saveurs. Vienne vous attend, avec la générosité des gens du cru et la patience des coteaux.