Les 7 saveurs et 75 arômes du fromage
Savoir définir la complexité aromatique du fromage.
Des saveurs d’herbes coupées, de foin, de terre… des arômes de lait, de noisettes… et si on parlait du fromage comme du vin. De l’oenologie à la « fromologie », il n’y aurait-il qu’un pas ? Pâte molle, pâte dure, fromage frais ou bleu… Devant tant de saveurs, d’arômes, d’affinages, de formes et de tex- tures, quel dommage de ne disposer d’aucune science. Et si les fromages avaient une science méconnue : partons à la découverte de la « fromologie »… Les 7 saveurs du fromage Qu’entend-on par « saveurs » ? Sur le plan de l’orthodoxie sensorielle, on distingue 4 saveurs principales, primaires, liées à 4 zones sensorielles de la langue. Pourtant, en 1908, le professeur japonais Kikunae Ikeda, ne reconnaît aucune de ces sensations dans le bouillon d’algues qu’il déguste : il identifie ce nouveau goût par le terme « umami », le « savoureux ». Approuvée depuis les années 80 par les tenants de la théorie des 4 saveurs, cette 5ème notion est depuis communément ajoutée à la typologie des saveurs. Mais il apparaît bientôt que cette classification, basée sur les zones de perception de la langue, est réductrice, car il existe d’autres notions, perçues donc existantes : on parle encore de saveur astringente, piquante, métallique, grasse, amidon…. D’autre part, il ne faut pas confondre « saveur » et « arôme » : celui-ci ne se perçoit pas par la langue, mais par la voie nasale, lorsque le fromage est en bouche. On l’obtient en mastiquant et salivant le fromage jusqu’à ce que les arômes se libèrent et remontent vers le nez au contact de l’air.
Alors, selon les maîtres fromagers qu’en est-il des « 7 saveurs » du fromage ? Meilleur Ouvrier de France 2011, François Bourgon, de la fromagerie Xavier à Toulouse, nous livre, selon lui, les clés de cette énigme : « Personnellement, je préfèrerais parler de niveaux d’expression… Historiquement, de grands fromagers, comme Androuët notamment, y ont fait référence dans leurs ouvrages et pratiques professionnelles. Le goût est tellement personnel, subjectif, culturel, conditionné par nos habitudes alimentaires depuis le plus jeune âge, que quelques grands fromagers ont construit cette classification, en puisant dans leur propre expérience. C’est également une base de dialogue avec leurs clients, ou « consommateurs-goûteurs », qui s’exprime plutôt en terme d’intensité. Il s’agit donc d’une simple grille de lecture des « goûts personnels », support pour exprimer son envie quand on est client, la comprendre et y répondre avec succès quand on est fromager ».
Les 7 saveurs
Saveur 1 / Saveur fraîche
C’est une saveur très légèrement acidulée, voire cré- meuse et lactique. On la retrouve notamment dans les fromages extra-frais, à la texture lissée ou granuleuse : petit suisse, fromage blanc, caillé…
Saveur 2 / Saveur neutre
Les fromages « neutres » conviennent en général à ceux qui n’apprécient pas le fromage pour son goût trop fort. Cette saveur caractérise la plupart des fromages à pâte pressée non cuite et au lait pasteurisé. Mais également tous les fromages très jeunes en affinage (sauf pâtes persillées et croûtes lavées).
Saveur 3 / Saveur douce
Elle se trouve notamment dans les fromages enrichis en crème, car le crémeux ôte toute agressivité : c’est le cas du brillat-savarin, du crémeux du mont St Michel… Elle se retrouve également dans les pâtes molles ou pres- sées non cuites, quand elles sont à un stade d’affinage jeune : les pâtes fleuries très peu affinées, ou le saint-nectaire jeune.
Saveur 4 / Saveur peu prononcée
Celle-ci correspond en général à tous les fromages dont l’affinage a été interrompu avant totale maturation : aussi bien les pâtes molles (camembert, munster, maroilles, brie, coulommiers, chaource…), que les pâtes pressées de moins de 3 mois (reblochon, cantal…). Mais également la plupart des fromages de fabrication monastique, à la croûte peu marquée comme le cîteaux de l’abbaye, ou de fabrication spéciale : vacherin mont-d’Or, raclette…
Saveur 5 / Saveur prononcée
Cette saveur évoque le « fromage de caractère ». Elle dé- signe souvent les fromages « bien faits », peu épais, dont l’affinage est « à point » : camembert AOC, brie au lait cru, bourguignon au chablis, curé nantais… Ce terme est également utilisé pour les pâtes cuites bien affinées et fruitées telles que le beaufort. Certaines tommes 16 rustiques présentent cette saveur également, comme les auvergnates quand elles ont plus de trois mois. Sans oublier les pâtes persillées en début de saison : bleu des Causses.
Saveur 6 / Saveur forte
Cette notion caractérise les fromages épais, à pâte molle et fermentation lente (livarot, maroilles, époisses, munster…) dont l’odeur est généralement bien plus puissante que ne l’est le goût…, les pâtes persillées bien affinées (fourme d’Ambert, ou de Montbrison, bleu des Causses) ou encore les fromages épais à pâte pressée à l’extrême terme de leur affinage (6 mois pour une fourme de cantal, 10 à 22 mois pour un beaufort ou un comté).
Saveur 7 / Saveur très forte
Allant même jusqu’à piquante, voire faisandée, cette saveur s’applique en général aux fromages macérés (tomme au marc de raisin), aux fromages dont la fer- mentation est très lente (boulette d’Avesnes), à quelques bleus bien affinés (bleu corse, roquefort), et aux prépara-tions spéciales (saint-marcellin au gène de marc…). 1
Les 75 arômes
La dégustation d’un fromage se vit comme une véritable rencontre. Comme toute rencontre, nous l’appréhendons par nos organes sensoriels : apparence, texture, odeur et goût vont mettre en jeu la vue, le toucher, l’ouïe, et les organes olfacto-gustatifs (nez, langue, bouche). Ces qualités olfacto-gustatives se composent principalement de :
La saveur
sensation recueillie par la langue, au nombre de 5, sucré, salé, acide, amer et savoureux et au niveau d’expression au nombre de 7.
L’odeur
perçue en « flairant » les substances volatiles d’un fromage.
L’arôme
perceptible par la v oie nasale, lorsque le fromage est en bouche. On l’obtient en mastiquant et salivant le fromage jusqu’à ce que les arômes se libèrent et remontent vers le nez au contact de l’air.
Si décrire la richesse aromatique d’un comté semblait mal aisé avant 1990, faute de vocabulaire adapté, un groupe de 6 chercheurs a travaillé pendant 3 ans dans le cadre d’un programme européen, pour établir enfin une liste de 7 familles d’arômes : lactique, végétal, fruité, floral, torréfié (dit aussi empyreumatique), animal, épicé et « autres », composées de sous-familles, puis d’arômes. Scientifiquement, 75 à 91 arômes sont recensés et utilisés comme « descripteurs », tels le foin, la noisette, le citron, le caramel, le cuir, la menthe, le savon, le poivre, la violette, le brûlé ou encore le yaourt. Repérer le poivre dans un gruyère, ou l’arôme de pomme dans un emmental n’est certes pas chose aisée…
Et pourtant, comme nous l’explique François Bourgon : « le comté présenterait à lui-seul plus de 80 arômes, tels que la noisette, l’amande grillée, le lait cuit, le café, l’étable, le beurre, le pamplemousse, la brioche, le caramel mou, ou encore le bouillon de viande et le cuir. Le morbier se tournera plus vers des tendances de lait frais, mais aussi de lait acide, les graines grillées, le bétail, le rance, le végétal (légumes). Une pièce de beaufort peut avoir un goût marqué d’ananas, et le gouda présenter une légère pointe d’ail… Un vacherin sera empreint d’un arôme balsamique, dû à l’épicéa qui l’entoure, quand un brie rappellera le « bois humide », le lait et le champignon. Herbe coupée et lait acide se retrouvent dans une époisses. Muscade et crème fraîche se nichent dans un appenzell. Bien entendu, des dizaines de facteurs interviennent dans la présence et l’intensité de tel ou tel arôme : l’affinage, la saison, la nourriture des bêtes, la région, l’environnement, le lait en lui-même. Chaque pièce de fromage est unique, composante individuelle de ses multiples arômes, mais aussi de sa texture, de son aspect, de ses saveurs, de sa persistance, de son histoire… « À nous de découvrir à travers ses différentes grilles la richesse intrinsèque de chaque tomme ou pièce, et de créer la symbiose.
Qui est François Bourgon ? Authentique passionné, à la carrière atypique, François Bourgon réussit à 42 ans la double performance de reprendre et faire fructifier une entreprise familiale de renom, et d’être sacré, en mai 2011, Meilleur Ouvrier Fromager de France. Né en 1969 à Toulouse, il est très tôt fasciné par la profession, lorsqu’il suit son père chez des amis fromagers en Comté. Il assiste à la création de l’entreprise familiale, en 1976, mais décide de prendre plutôt la voie du commerce international. Après de brillantes études, il fonde sa propre entreprise pour vendre les fromages de son père en Asie du Sud-Est, il met en place un réseau de commerciaux. Suite à la crise financière, François travaille chez un géant informatique. Par envie de retrou-ver un produit authentique synonyme de convivialité, il décide de racheter et de reprendre l’affaire familiale. indispensable entre le fromage et le dégustateur pour profiter de tout son univers intime. Quel voyage !